Mélange des genres
Quand j’attendais Choupinette, j’étais très curieuse de savoir à qui elle ressemblerait, ou plutôt de quelle façon elle nous ressemblerait, à son père et à moi. L’infinité des apparences que pourrait prendre ce mélange me fascinait.
Quand elle est née, elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à une de ses cousines. Jusqu’à sa petite oreille pliée en deux, comme sa cousine à la naissance (elle s’est dépliée depuis ;-). J’ai trouvé ça franchement abusif qu’on puisse sortir de moi sans avoir la politesse de me ressembler au moins un tout petit peu, à la rigueur à son père, mais là non. Cette enfant sortie de mes entrailles ressemblait à quelqu’un d’autre. Very shocking.
Elle s’est ensuite amusée à changer tout le temps de ressemblance, cette coquine. A sa grand-mère paternelle, au retour de la maternité. A son grand-père maternel, quand elle a perdu ses cheveux. A une autre cousine.
Après qu’elle se soit enfin décidée à choisir la couleur de ses yeux (et là je n’ai rien à dire, excellent choix, ce sont ceux de sa mère – encore qu’au fil des ans ils aient légèrement pris de ceux de son père), un examen approfondi permettait à l’œil averti de constater que nos hérédités s’étaient partagé le visage de Choupinette en deux : le bas pour son père, du nez au menton ; le haut pour moi, des yeux au front (en centimètres carrés ça doit m’en faire un peu moins mais bon, je ne suis pas mesquine). Oreilles et cheveux d’origine inconnue.
C’est alors que l’humanité s’est divisée en deux clans : les partisans du « c’est tout le portrait de son père » et les inconditionnels du « qu’est-ce qu’elle ressemble à sa mère », les premiers étant nettement supérieurs en nombre aux seconds (à la grande jubilation de Pounet ; je passe rapidement sur le fait qu’il se réjouisse que sa fille lui ressemble plus qu’à moi et aux déductions que je serais en droit d’en tirer quant à son appréciation de mes qualités physiques).
Bon, j’avoue, j’ai du mal à retrouver mes traits sur le visage de Choupinette. Mais parfois, fugitivement, au détour d’une expression particulière, elle me ressemble vraiment. Les traits, non, mais l’expression, oui. J’ai un flash de moi petite et c’est très troublant, presque douloureux. Je ne sais pas ce que ça ranime en moi. Peut-être que me voir de l’extérieur sous les traits de l’enfance me rappelle ma vulnérabilité d’alors. Mais elle a une force que je n’avais pas, la force de la confiance réciproque entre elle et nous.